• Homélie donnée par Mgr Bernard Ginoux, à Montgesty en mémoire de saint Jean-Gabriel Perboyre.

     

     

     

    Samedi 11 septembre 2010.

    Comment, en ces lieux si charmants, dans cette douceur matinale nous transporter en Chine dans ces années 1839 - 1840 où la persécution contre les chrétiens redoublait et écrasait laïques et prêtres dans d'effroyables tortures ?

    L'un de ces prêtres, l'un de ces lazaristes ou prêtres de la mission, avait vu le jour ici même,le 6 janvier 1802, jour de l'Epiphanie. C'est lui qui nous rassemble aujourd'hui mais non... je ne crois pas que Jean-Gabriel Perboyre eût accepté cette phrase : son humilité nous aurait rappelé que c'était le Seigneur que nous venions célébrer et non pas son pauvre serviteur conscient de sa faiblesse.

    Le chemin de la sainteté passe d'abord par là. L'apôtre Paul (2e aux Corinthiens) affirme que « nous ressemblons à des gens qui portent un trésor dans des poteries sans valeur »

    Saint Jean-Gabriel écrira « Non, je ne suis pas plus un homme de merveille en Chine qu'en France ... » (lettre 94)

    Cette faiblesse il l'éprouvait en effet dans son corps et dans son cœur. Alors même qu'il se donnait totalement dans l'enthousiasme de l'annonce de Jésus-Christ il vivait la nuit de la foi, cette épreuve que beaucoup de Saints connaissent, cette terrible absence de Dieu, cette sécheresse de l'âme qui n'a plus la perception de la présence réconfortante du Seigneur. Il y a là un chemin de pauvreté, d'humilité, qui dépouille, élague purifie celui qui vit cette souffrance intérieure.

    Il était ainsi entré dans le dénuement de la croix : « sans cesse nous portons dans notre corps l'agonie de Jésus » (Saint Paul aux Corinthiens) et cette croix de l'apparent silence de Dieu n'épargnait pas celui dont l'apostolat était pourtant florissant aidé particulièrement par sa connaissance de la langue chinoise.

    Depuis 1835 il parcourait cette Chine qui était alors le symbole même de la mission. Des années durant Jean-Gabriel s'était préparé à ce don inconditionnel et indéterminé de lui-même.

    C'est sans doute un autre aspect du chemin de la sainteté : l'acceptation, dans l'obéissance, de la volonté de Dieu, l'offrande totale de soi-même : « Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté »(Ps 40,6). Cette donation de soi nous identifie au Christ comme la prière de Jean-Gabriel l'exprime : « Que mes actions et mes sentiments soient semblables à tes actions et à tes sentiments » Mais à partir de là n'y a plus que l'abandon au Seigneur, le don est total ou il n'est pas, il est sans condition, il est l'accomplissement même de la liberté dans un « oui » définitif à Dieu, à l'image de la Vierge Marie « que ta parole s'accomplisse en moi ».

     L'humilité, le renoncement, le don de soi de jour en jour renouvelé, à travers cet itinéraire de la foi, Jean-Gabriel est de plus en plus fidèle à sa conviction : « II n'y a qu'une seule chose nécessaire c'est Jésus-Christ »

    Cette conviction fait écho à celle de Thérèse d'Avila : « Dieu seul suffit ».

    Elle repose sur l'amour de Dieu révélé en Jésus-Christ qui est le moteur de la vie.

    Pourquoi partir au loin ?

    Pourquoi tout quitter ?

    Pourquoi risquer sa vie ?

    Parce qu'il y a le Christ « qui m'a aimé et s'est livré pour moi » (Saint Paul), parce que nous croyons que le Christ est le Sauveur du monde et que le monde a besoin de le connaître. Le missionnaire est d'abord un cœur rempli de l'amour du Christ qui a éprouvé ce que le Christ a vécu pour lui dans sa chair et qui veut l'annoncer au monde pour le bonheur du monde.

    « J'ai cru et c'est pourquoi j'ai parlé. Et nous, animés de cette même foi, nous croyons nous aussi, et c 'est pourquoi nous parlons » (2e lettre de saint Paul aux Corinthiens).

    L'amour du Christ nous pousse à le faire connaître et chaque chrétien a pour mission d'annoncer Jésus-Christ parce qu'un trésor ne se garde pas pour soi il se partage.

    Point n'est besoin d'être un saint pour être témoin du Christ,  Saint Jean-Gabriel Perboyre pouvait écrire :  « Demandez au  Seigneur  ma  conversion  et ma sanctification ». Il mesurait l'immense distance qui sépare le pauvre pécheur que nous sommes de la Sainteté du Christ. Mais il savait que « rien n'est impossible à Dieu » et que cette distance infranchissable le Christ l'a franchi par la croix. Il a élevé l'homme jusqu'à Dieu « celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera nous aussi avec Jésus ».

    Traduit devant ses juges il affirmera avec force sa qualité de prêtre catholique et de prédicateur de l'évangile. Il s'inscrit dans la ligne des martyrs qui le précédent et qui le suivront. Tel le P. Kolbe prenant la place d'un condamné au bunker de la mort répondant au sous-officier S S qui lui demandait pourquoi,  dit : «parce que je suis prêtre catholique ».

    Les pires tortures physiques et morales se répétèrent. Finalement après avoir redit une nouvelle fois :
    « plutôt mourir que renier ma foi » il fut livré aux bourreaux qui l'attachèrent à un poteau en forme de croix puis d'un coup de corde ils l'étranglèrent.

    C'était le 11 septembre 1840, il y a 170 ans.

    Il naissait à la vie.

     En évoquant quelques traits de ce chemin de sainteté, en fêtant ce témoin héroïque de la foi, en renouvelant par nos prières notre attachement à sa mémoire nous ne regardons pas une figure du passé ou un héros de légende.

    Nous regardons un frère dans le Christ, un proche, un ami. Que nous dit-il ce matin ?

    Le catéchisme de l'Eglise catholique affirme « le martyre rend témoignage au Christ, il rend témoignage à la vérité de la foi et de la doctrine chrétienne »
    (n°
    2473)

    Fêter la mémoire d'un martyr c'est lui demander de nous associer à lui dans l'engagement de notre vie chrétienne :

    -    mon seul nécessaire : le Christ

    -   mon désir profond : le faire connaître et le faire aimer autour de moi

    -   mon témoignage quotidien : accepter et offrir ce que ma foi de chrétien me donne à vivre « aimer c'est tout donner et se donner soi-même » Thérèse de l'Enfant-Jésus

    Si nous vivons ainsi nous serons missionnaires ici et maintenant.

    L'exemple de Jean-Gabriel Perboyre nous y invite, le fêter c'est le suivre.

    Avançons sans crainte sur ce chemin, il est celui du bonheur éternel.

     

     


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