• Homélie de Monsieur l'Abbé SEGUY,Curé de Caussade,

     11 septembre 2008- Montgesty

     

     

     


    Nous sommes ici au cœur du Quercy, terre des merveilles pour les touristes, terre « qui ne produit que des truffes et des politiciens » disent les méchantes langues. Ce n’est pourtant pas cela qui nous rassemble : c’est un enfant du pays qui, de Mongesty à Hou-Tchang-Fou, en passant par Montauban, Montdidier, Paris et Saint-Flour, a laissé partout un témoignage de sainteté.
    Cette imitation du Christ, elle est symbolisée jusqu’ici par la croix plantée à l’entrée du domaine familial , avec cette phrase de Jean-Gabriel : « Qu’elle est belle, cette croix plantée sur les terres infidèles et arrosée du sang des martyrs ».
    Elle fait écho aux paroles de Jésus que nous venons d’entendre dans l’Evangile du jour : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » ( Mtt, XVI,24 )
    Saint , prêtre missionnaire, martyr , St Jean-Gabriel le fut en apôtre de la Croix.

    I. Sa sainteté, l’oraison de la messe la définit par les mots de « pureté de vie et charité » : lorsqu’on parcourt la vie de notre saint, on découvre, comme le dit un de ses biographes, le Père Sylvestre, qu’il fut « désespérément saint ». Ceux qui l’ont vu vivre ont tous témoigné de la vie exemplaire qu’il a menée : au cœur de cette vie, l’amour de Dieu et l’imitation de Jésus-Christ : « Tâchez surtout de détruire entièrement en vous tous les restes du vieil homme, afin de vous revêtir uniquement de Jésus-Christ, de vous bien pénétrer, de vous bien remplir de son Esprit » écrit-il à son frère louis.
    Quant à sa pureté de vie, elle est telle qu’elle nourrit son humilité et lui fait toujours appréhender d’avoir terni en lui l’image du Ressuscité : « Je crains beaucoup d’avoir étouffé par mon infidélité à la grâce les germes d’une vocation semblable à la vôtre, écrit-il à ce même frère parti avant lui en mission.
    En lisant ses lettres, on s’aperçoit que sa sainteté n’a pas été aussi simple que cela : il faudra la croix, le sacrifice pour contenir les petits défauts qui pouvaient gâter une si belle âme : on le sent impatient, bouillant , voire irritable et il deviendra un modèle de douceur et de patience.
    C’est cette lutte incessante , qu’il se reproche de n’être pas assez ardente, qui lui fera gravir les degrés de l’humilité et fera grandir en lui le désir de Dieu.

    II. Prêtre et missionnaire, il l’a été en réponse à l’appel de Dieu : « J’ai consulté Dieu pour connaître l’état que je devais embrasser pour aller sûrement au ciel. Après bien des prières, j’ai vu que le Seigneur voulait que j’entre dans l’état ecclésiastique ».
    Il a une conscience aiguë, si aiguë, de la grandeur du sacerdoce qu’il s’en croit indigne : « Quel bonheur pour moi si je pouvais recevoir la prêtrise avec toutes les dispositions requises » Et tout de suite , dans la même lettre , il va droit au but de sa vocation : « Quelle source de grâces pour moi et pour les autres ».
    Devenu prêtre, il sera le serviteur, le ministre de « Celui qui s’offrira à Dieu son Père entre mes mains » écrit-il à son père.
    Dès l’âge de quinze ans, il parle de vocation missionnaire , il a dix-huit ans lorsqu’il écrit dans un devoir cette envolée sur la croix que je citais au début : « croix plantée sur les terres infidèles » . C’est ce désir d’apostolat, cet appel du Seigneur, qui déterminera son entrée chez les Pères de la Mission, les Lazaristes. Et ce jeune homme à la santé fragile va déployer une énergie étonnante, une ardeur apostolique vraiment surnaturelle. : ni la faiblesse de sa santé, ni l’interminable voyage vers la Chine, ni les longues marches, ni les nuits de veille, ni la nourriture parfois si rare, rien ne pourra l’arrêter dans son élan. Dans les moments difficiles, c’est toujours la Croix qui lui donne force et courage . Il écrit un jour aux siens : « Je n’en pouvais plus. En voyant cette montagne s’élever devant nous, j’en vins à me rappeler que je portais sur moi une petite croix à laquelle était attachée l’indulgence du chemin de la croix. C’était bien la cas de tâcher de la gagner » Et le voilà qui reprend des forces et qui parcourt montagnes, plaines et fleuves pour apporter la Bonne Nouvelle, pour faire connaître Jésus-Christ et pour soulager les misères et les angoisses de son peuple.

    III. Le couronnement de sa sainteté, enfin, c’est la participation à la croix du Christ . Cette « croix arrosée du sang des martyrs » dont il parlait à dix-huit ans, il va l’arroser de son propre sang.
    Le Pape Léon XIII a souligné l’extrême ressemblance des derniers jours de notre saint avec la Passion de Jésus. Tout y est :
    le désir du martyre : en montrant les reliques de Monsieur Clet, mort martyr en 1820, il disait aux séminaristes : « Quel bonheur si nous avions un jour le même sort ! »,l’agonie et le soutien surnaturel comme au Jardin des oliviers, la trahison pour trente pièces ( pas une de moins !), son refus de la violence pour se défendre, sa mise au rang des malfaiteurs dans les prisons, les tribunaux devant les procureurs, le reniement d’un de ses plus fidèles disciples ; on le revêt , en guise de manteau de pourpre, de ses ornements sacerdotaux ; il donne l’ab- solution à ses compagnons de cellule comme Jésus au Bon Larron ; on l’oblige à boire une boisson immonde ; comme couronne d’épines on le marque au fer rouge sur le front ; il meurt enfin au milieu de brigands comme son Seigneur et Maître. C’était un vendredi ; on l’avait conduit hors de la ville, sur la montagne rouge.
    Quand on regarde à l’église de Sapiac à Montauban le tableau de son supplice, on voit le bourreau lui asséner le coup de grâce d’un violent coup de pied dans la poitrine . Et sa pauvre mère, telle une piéta, de dire à l’annonce de son martyre : « Pourquoi devrais-je hésiter à faire à Dieu le sacrifice de mon fils ; la Sainte vierge n’a pas hésité à faire le sacrifice du sien pour notre salut ».
    Lui, le bouillant et l’impatient, il sera un modèle de courage, et de patience, témoignant ainsi dans sa frêle nature, de la puissance de la grâce et de la force de l’Esprit-Saint.

    Au cours de cette messe, qui renouvelle le sacrifice du Christ et que l’on célèbre traditionnellement sur le corps des martyrs, pour nous rappeler qu’ils ont « complété dans leur chair ce qui manque à la Passion du Christ pour son Corps qui est l’Eglise » ( Col, I,24), nous ne pouvons que demander au Seigneur trois grâces : une foi pure, vivante, agissante , une charité ardente pour Dieu et pour nos frères , surtout ceux qui dans leur corps ou dans leur âme sont les plus démunis, et enfin une ardeur apostolique qui ne ménage pas ses efforts pour annoncer le mystère du salut. C’est ce mystère qui a enflammé le cœur du jeune Jean-Gabriel, et qu’ a fait resplendir au XIX° siècle en Chine son martyre : le mystère de la Croix dont St Pierre Damien chantait la gloire en ces termes : « Vous ne devez pas ignorer, mes frères que dans le redoutable jugement de Dieu, la bienheureuse croix sera portée par la main des anges et resplendira aux yeux de tous les hommes ; elle n’empruntera pas alors l’éclat de l’or et des pierreries ; mais la vertu divine qui la pénètrera la rendra plus brillante que le soleil et les étoiles. Elle paraîtra pour la gloire de ceux qui l’auront aimée et embrassée, en même temps que pour l’opprobre de ceux qui auront refusé de la porter à la suite du Sauveur. Ceux en effet qui, ayant imité Jésus-Christ dans ses souffrances, se trouveront alors marqués du sceau divin de la croix, seront appelés à partager la gloire du Souverain Juge… Le jugement terminé, les justes, précédés de la croix, iront dans le Royaume éternel. Là , revêtus d’une gloire immortelle et d’un bonheur sans fin, ils contempleront avec une joie ineffable la Croix, signe divin qui les a rachetés et par la vertu de laquelle ils ont vaincu le monde » . Amen.
     

     


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